Thomas Schlesser met à l’épreuve cette faculté mentale, inséparable de la conscience de soi et indissociable de l’imagination. Puiser exclusivement dans sa mémoire (pas une note écrite et visuelle en poche), là était son intention. Dans son protocole, pas de possibilité de répéter l’exercice au préalable afin de garder un maximum d’honnêteté (rien ne sera inventé). Il n’abandonnera pas avant le temps imparti (10 heures consécutives) qu’en cas d’une sensation d’épuisement total de sa couche mémorielle ou d’effondrement physique.

Pendant dix heures, Thomas Schlesser raconte méthodiquement tout ce dont il se souvient des dix dernières années de sa vie, jusqu’à la performance qu’il est en train de réaliser devant le public du Générateur. Les cinq premières heures de sa performance sont enregistrées et diffusées sur un écran dans le hall ; les cinq suivantes, le public peut venir y assister.
Au milieu de la salle, Thomas Schlesser est assis sur un canapé. Il est seul, éclairé par une lumière qui l’isole de l’espace qui restera toujours sombre. Impressionné par la précision des récits et la performance physique que vit Thomas Schlesser, le public s’assoit avec discrétion afin de ne pas gêner le performer. Celui-ci devise, commente, décrit ses souvenirs de façon fluide ou parfois plus difficilement. Au bout de quelques heures, l’effort physique devient plus visible ; ses mains sont souvent en action et l’aide à évoquer certains détails de sa vie passée.
On lui apporte à deux reprises du thé en guise de courtes pauses. Parfois il hésite et passe rapidement sur un événement dont il se souvient moins bien. Vers le fin de la performance des proches viennent s’assoir à coté de lui. Anne Dreyfus vient lui chuchoter à l’oreille que les dix heures sont passées. La performance est finie.