Wish I knew you. Inside out. est une performance de 40 minutes interprétée par Cynthia Lefebvre et Sonia Garcia en septembre 2018 au Credac, avec la complicité technique et artistique d’Alexandre Poisson. Durant la performance, le public était invité à s’installer autour d’une installation au sol constituée de tissus colorés et de planches de plexiglass.
La performance a par la suite donné lieu à un film éponyme en 2020, tourné dans les locaux de la performance initiale (La manufacture des œillets – Ivry sur Seine), sans public. Elle s’accompagne également de partitions devenues l’œuvre One of Many.

Un ensemble de formes géométriques en tissu et plexiglass recouvrent le sol, tel une mosaïque dont le dessin a été délimité par un tracé au scotch pré-existant au jeu de lignes énigmatique. Ce sol, c’est celui de la Manufacture des Œillets : un ensemble architectural construit à la fin du 19e siècle à l’initiative de Charles Bac pour y accueillir une usine qui produira porte-plumes et œillets métalliques jusqu’à la fin des années 1980.
Surplombant ce grand tapis de jeu, deux interprètes observent l’agencement de formes et de couleurs avant d’en modifier peu à peu la structure. Suivant un rythme lent et contemplatif, les mains saisissent, plient, soulèvent, ramassent, déplacent, et les pieds foulent une surface devenue mouvante qui ne cesse d’évoluer. Se succèdent différentes images, de sorte que l’œil soit subtilement guidé vers ce qui échapperait à une attention trop hâtive : une surface dont les stigmates et les traces ne demandent qu’à être soulignés.
Il s’agit alors de prendre la mesure du lieu en explorant l’espace par le seul prisme du geste : lire le sol, avec les mains, avec les pieds, pour le laisser parler de ce qu’il contient d’histoire, de passages et mettre en lumière cette mémoire anonyme et silencieuse qu’il renferme. Celle des 600 salariés qui travaillaient à l’usine en 1935, puis celle des étudiants qui s’y sont installés au début des années 2000.
L’expérience que nous propose Cynthia Lefebvre au travers de cette performance est une parenthèse temporelle où silences et mouvements s’articulent sans dissonance. Les gestes précis qui se succèdent en révèlent d’autres : ceux oubliés, mais pourtant cristallisés et imprimés dans le sol, d’une communauté urbaine anonyme.
L’espace central se vide alors progressivement de ses formes géométriques déplacées en périphérie avant que les deux interprètes ne se retrouvent pour un ultime lever de rideau à l’unisson. Dès lors, ce ne sont plus nos pupilles mais l’espace qui se dilate et s’ouvre devant nous sur l’extérieur. Cerclée par le cadre que forment in fine les tissus, voilà que la surface nue qui s’est ouverte aux regards se retrouve baignée d’une lumière nouvelle.