- Dates de représentation 03/12/2021 (Bétonsalon)
- Source Bétonsalon
- Artistes nadjim bigou-fathi & soto labor
45 minutes
Le dispositif consiste en une table longue et étroite (0,5x10m) autour de laquelle sont placées 40 chaises. La table, nappée de blanc, accueille un apéritif composé d’eau, de vin cuit, de jus et de grappes de raisin. Le public est libre de se servir, avant, pendant et après la performance. Les deux rangées d’assises sont installées sur la longueur afin d’éviter qu’une personne préside. En face de chaque chaise se trouve un verre et une édition contenant le script de la performance à venir.
Le public est invité à prendre place, à s’asseoir ou à rester debout, selon l’envie, et la performance démarre. Les performeur·s interrompent d’un geste de sémaphore les discussions informelles et entament la lecture-interprétation du script. Tout le monde est libre de suivre le script.
La première partie de la performance s’attache à donner les règles du jeu :
● qui peut s’asseoir ? et comment se répartir les places étant donné qu’elles sont en nombre limité ? Quelle place avez-vous choisie ? Selon quelles stratégies, tactiques ? Et si vous étiez arrivé·e en premier, quelle place auriez-vous choisie ?
● qui peut parler ? (les performeur·s rappellent que le script est une invitation à lire, parler, chanter. Toutefois i·ls savent et reconnaissent que leur position de performeur·s leur donne autorité sur la situation).
La deuxième partie du script s’intéresse aux dynamiques territoriales (accaparer ; laisser ; céder) dans une perspective plus large. Par un changement d’échelle, les performeur·s invitent le public à interroger la réalité historique et coloniale du geste conquérant à travers le reenactment de la conférence de Berlin (1884-85). I·ls fabriquent plusieurs récits de fiction qu’i·ls interprètent - du théâtre, au chant, de la danse au geste. Leurs inspirations comptent citations, réenactments, transcriptions issues d’objets cinématographiques et littéraires.
La dernière partie du script cherche à amorcer une réflexion autour de la production de(s) (l’)histoire(s) et des outils de sa transmission : “comment reprendre l’initiative de sa propre histoire ?”
Les performeur·s proposent un reenactment de la scène de danse tirée du film Uccellacci e Uccellini (Pier Paolo Pasolini, 1966). L’enjeu étant de proposer un modèle d’apprentissage et de transmission (prenant la forme d’une initiation de danse) où les rôles de sachant·s et d’apprenant·s sont mobiles.
La performance se clôt par un générique des crédits qui prend la forme d’un karaoké. Le public est invité à rejoindre les interprètes pour chanter les noms qui défilent en musique.
Des tâtons, des corps, de la salive et des conversations de ♪ Là à là. La à là la à ici. D’ici, ici à là, si, si si, la ♪ sont les méthodes de Frsh (recherche d’un objet dans une poche) pour interroger les conditions de fabrication du discours et les rapports de sujétion entre partitions, interprètes, auteur·rices et publics. C’est une invitation à rebattre les cartes pour faciliter la mise en récit d’histoires et leur interprétation dissonante mais contigüe.
En fabriquant une fiction à partir de l’économie matérielle d’une situation réelle, cette performance essaye de mettre en jeu les conventions sociales pour y déceler les rapports de pouvoir entre protagonistes. De cette façon, nous tentons de provoquer des frottements entre l’économie de production de notre performance et l’économie de sa représentation : le script pouvant tantôt s’interpréter comme une partition, comme un commentaire, comme une anticipation ou encore comme une fiction.
Frsh (recherche d’un objet dans une poche) se saisit du champ de l’épistémologie dans une perspective critique, en se demandant qui est légitime de produire son histoire ? Et par extension, qui est légitime de produire du savoir ? Comme le souligne Grada Kilomba, « la science n’est pas une simple étude apolitique de la vérité, mais la reproduction de rapports de pouvoir [racial] qui définissent ce qui est considéré comme vrai, et qui croire¹. » Avec cette réflexion, se pose d’emblée la question de la légitimité (« qui définit les questions qui méritent d’être posées ? Qui les pose ? Qui les explique ? Et à qui s’adressent les réponses ? ») et par là-même celle de la mémoire.
¹ Grada Kilomba, Mémoire de plantation, Anacaona, 2021
- Nombre d’œuvres dans le fonds 1