« Fils de la jungle et de Kipling, éléphanteau, trompe écourtée, trompé de mensonges sorciers, quitte libre sa savane, devient garçon douillet. Monde hostile m’a civilisé et fait de moi pantin de bois bandé. Là y poussa mon nez. Eh les filles pas encore nées ! Je vous attendais, vous savez ? Eh les fentes manucurées, MLF hante ma nuque, c’est la curée ! Mon bobard hait la vieille dame qui n’a cure de mes ongles rongés. Barrissement humain, plainte hululée. »

• David Noir

Cet électron libre du théâtre performatif (mal)traîte ici encore la société du spectacle. De la performance, David Noir en fait son miel : une zone collective de butinage. Dénaturer la pureté académique, pervertir la pensée esthétique, font partie des voies qui le préoccupent. La dégénérescence artistique, conçue comme une fin en soi, consiste à gangrener gentiment le tissu social, à endommager sans tapage la cellule familiale trop conforme aux attentes.

La performance s’ouvre sur fond de musique country. Une ombre projetée en mouvement attire le public. En s’approchant, les spectateur·rices perçoivent une forme enveloppée dans une peau fripée de couleur terre. L’artiste recouvert de cet étrange accoutrement ressemble à un pachyderme. Il gesticule et bafouille debout sur un piédestal.
Une barrière installée devant lui le sépare du public. Sur celle-ci plusieurs pancartes affichent en noir et blanc les messages suivant : « Pompez-moi »,« Soufflez-moi »,« Trompez-moi », «Tirez-moi », « Quetez-moi »,« Buvez-moi », « Sucez-moi », « Veuillez ne pas nourrir les marginaux ». Des tuyaux sont reliés à son corps, certains visiteurs les attrapent et sirotent. Quelques instants plus tard, une voix enregistrée et altérée annonce : « Mesdames, Messieurs, suite à un mouvement de grève d’une certaine catégorie d’un genre personnel, nous ne sommes pas en mesure de vous présenter le programme prévu. Veuillez nous excuser pour le gène occasionné…». Ce message est ensuite suivi d’une litanie sur la monstruosité.
Dans le dernier temps de la performance, David Noir retire son masque de pachyderme et laisse apparaître son visage affublé de prothèses. Il pousse un hurlement ressemblant à celui de l’animal avant de se déshabiller complètement. Enfin, sur un bout de papier, il donne quelques coups de pinceau bleu puis termine en interprétant une chanson.